Batailles

Bataille de Leuctres 371 av. JC

Bataille de Leuctres – 371 av. JC

Bataille de Leuctres, situation

Durant la bataille de Leuctres, en 371 av .JC, en réalisant une rupture avec la tactique séculaire du combat hoplitique, le général thébain Epaminondas pose les bases qui permettront à tous les stratèges postérieurs d’élaborer ce qui deviendra l’Art de la guerre. Après avoir rappelée la situation globale et décrit le modèle stratégique ancien, nous verrons en quoi la Bataille de Leuctres représente une véritable révolution en terme de stratégie.

Un contexte de luttes incessantes

Après une période de conflits permanents entre les différentes cités grecques et 27 années de guerre, la prééminence d’Athènes disparaît au profit de Sparte qui, suite à une montée en puissance discontinue, assure son hégémonie à partir de 404 av.JC. Thèbes, grâce au général Epaminondas, marque la fin de cette emprise spartiate.
Dans son analyse de la période, Sir Basil Liddell Hart s’interroge sur les facteurs déterminants ayant eu une influence décisive sur la chute de Sparte. Il retient principalement l’innovation apportée à la science de la guerre, cette innovation est portée lors la la bataille de Leuctres par un homme hors du commun.
L’homme en question est Epaminondas. Il est à l’origine et l’acteur principal d’un bouleversement majeur dans l’art de la guerre en posant de nouvelles fondations à la tactique, à la stratégie et initiant ce que Sir Basil Liddell Hart appelle l’approche indirecte.

Bataille de Leuctres, des protagonistes puissants

Thèbes est la principale cité de Béotie en Grèce. Sa réputation est mythique et légendaire. Sophocle la décrit comme « la seule cité où des mortelles donnent naissance à des dieux ». Mais malgré cette réputation légendaire, la cité thébaine n’est pas la cité dominant la Grèce. Sa zone d’influence immédiate est extrêmement limitée. Sa domination est cantonnée aux régions proches qui l’entoure principalement vers l’Est et l’autre grande cité Athènes. Pourtant, en 431 av. JC, Thèbes s’empare de Platées, alliée d’Athènes. Cette victoire déclenche la guerre du Péloponnèse opposant Athènes et Sparte entre 431 av. JC et 404 av. JC, suivie d’une période de rivalité avec Sparte pour la suprématie en Grèce. C’est en 371 av. JC, durant cette période de troubles avec Sparte, que se déroule la bataille de Leuctres.

Sparte s’est lancée dans la guerre du Péloponnèse sous la bannière de la liberté et de l’autonomie des cités menacées par l’impérialisme athénien. Toutefois, après avoir vaincu le soi-disant impérialisme athénien, elle agit de même. Elle impose un tribut, des gouvernements sous sa tutelle, voire des garnisons. Dès 413, Thucydide la décrit comme la puissance qui « exerce seule désormais son hégémonie sur toute la Grèce ».

Bataille de Leuctres - 371 av. JC - René HYS
Zones d’influence de Sparte et de Thèbes

Batailles de Leuctres, la révélation « Epaminondas »

Epaminondas nait vers 418 avant J-C d’une famille noble Thébaine. Après une éducation pythagoricienne de grande qualité, il se distingue très jeune par sa bravoure. Il sera, aussi, un des rares démocrates à rester à Thèbes durant l’occupation spartiate, encourageant les jeunes à la lutte. Dès 379 avant J-C, il mène les hommes au combat et participe à la libération de Cadmée. Nommé béotarque (général) il s’illustre dans les campagnes contre Sparte de 378-376 avant J-C, parfois malgré une nette infériorité numérique.
C’est en 371 avant J-C à Leuctres qu’ Epaminondas, déjà admiré de tous, affirme son talent pour la tactique en mettant en déroute l’armée spartiate. Cet événement est à évaluer à la hauteur de l’exploit qu’il représente et des conséquences historiques qui vont en découler. La bataille de Leuctres marque la fin de l’hégémonie de Sparte ; la cité guerrière ; la fin d’une légende.

En 362 avant J-C le célèbre général thébain sera mortellment blessé lors de la bataille de Mantinée. Bataille l’opposant de nouveau à Sparte. Epaminondas est une véritable légende. Il est profondément admiré des auteurs antiques qui voient en lui l’incarnation de la suprématie thébaine. Une telle adminration que Cornélius Nepos puis Plutarque lui dédieront chacun une biographie au titre identique de « La vie d’Epaminondas » .
Combatif, intelligent et éduqué, le béotarque Epaminondas qui se présente à Leuctres en 371 av. JC possède déjà une solide expérience militaire. C’est un général d’ores et déjà victorieux de la cité guerrière puissante et généralement en supériorité numérique qu’est Sparte. Leuctres pourrait donc dans cette situation n’être considérée que comme une bataille identique à celles que menait l’Armée Thébaine dirigée par ce même béotarque.

Pourtant la bataille de Leuctres est différente des batailles qui l’ont précédées. Leuctres est un chef-d’oeuvre de joaillerie guerrière. Son joaillier est ce général Thébain Epaminondas, comme le sera Cannes pour Hannibal Barca ou Austerlitz pour Napoléon Bonaparte.

Forces en présence

Sparte aligne environ 10.000 hoplites sur-entraînés pour la guerre depuis leur plus jeune âge et un millier de cavaliers. Thèbes dispose d’environ 5 à 6.000 hoplites amateurs et 1500 cavaliers.
Sur un plan théorique la supériorité numérique de Sparte est nette. Aussi au regard des forces en présence, et dans l’hypothèse d’un choc frontal directement issu du standard de combat hoplitique, Thèbes peut être considérée comme écrasée avant même le début du combat. Et tel aurait été le cas si le déroulement du combat avait été une stricte application des règles d’engagement traditionnelles.

Bataille de Leuctres – 371 av. JC

Du choc brutal au chaos

Face au Roi spartiate Cléombrotos qui aligne sa phalange dans le plus pur respect de la tradition du combat hoplitique, le thébain Epaminondas, conscient d’un rapport de force en sa défaveur, désaxe le champ de bataille et modifie son centre de gravité.

Sur son flanc gauche, au lieu de limiter de 8 à 12 rangées généralement disposées, il renforce de 42 rangées supplémentaires. Ce dispositif massif porte le nombre de combattants à plus de 2400 contre les 600 habituels. A cette masse considérable de hoplites, il ajoute le Bataillon Sacré de Pélopidas, son unité d’élite de 300 hommes. Quant au reste du front très affaibli, il ne doit pas avoir à combattre. C’est pour cela qu’il est placé en dégradé, en recul de la ligne de front.

Après un premier assaut, en raison de sa supériorité numérique, la cavalerie thébaine disperse celle de Sparte. L’énorme force de frappe est lancée, accompagnée du Bataillon Sacré en direction de la tête de l’armée spartiate. En un seul choc, la massue thébaine va littéralement défoncer les lignes spartiates, décapitant leurs officiers supérieurs. Le Bataillon Sacré prend au piège le Roi Cléombrotos avec sa garde personnelle composée des troupes d’élite et les tue.

Après la bataille de Leuctres

Lors de la bataille de Mantinée, Epaminondas applique une seconde fois l’innovation qui lui a apportée la victoire lors de la bataille de Leuctres. Dans la droite ligne de l’affirmation de Sun Tzu : « C’est pourquoi, lorsque j’ai remporté une victoire, je n’utilise pas une seconde fois la même tactique mais, pour répondre aux circonstances, je varie ma manière à l’infini». Epaminondas va réutiliser la même stratégie en la remaniant.
Les Mantinéens et leurs alliés bloquent la route entre deux sommets escarpés. Les Thébains défilent devant le front ennemi pour s’arrêter et mettre l’arme au pied, simulant ainsi la préparation d’un bivouac. L’ennemi relâchant alors sa vigilance, Épaminondas fait avancer son armée en formation oblique contre la droite ennemie. Au même moment, sa cavalerie et ses troupes légères clouent l’aile gauche adverse. La massive phalange thébaine enfonce alors l’aile droite des alliés qui rompt le combat. Elle s’enfuit, alors, suivie, peu après, par toute l’armée alliée.
Sun Tzu ne disait-il pas : « Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie » ?

Que retenir de cet épisode grec qui, par l’inattendue défaite de la cité guerrière de Sparte, voit basculer le rapport de forces entre les cités Etats et la fin de l’hégémonie spartiate ? Au delà de la stratégie guerrière, il est primordial de retenir les tenants psychologiques du combat.

René HYS

Bibliographie
LIDELL HART Basil Henry, Stratégie,
MUSASHI Miyamoto, Gorin no sho,
SUN TZU, L’art de la guerre,
WATZLAWICK Paul, Changements,

Articles
René HYS, La bataille de Leuctres – Analyse tactique